Après la tuerie de Liège (juin 2017) lettre ouverte au ministre de la Justice

(VRT Traduction maison à partir du neerlandais)

 

Monsieur le minister Geens, voulez-vous aussi écouter un ex-détenu ?

OPINION
Marc, un ex-détenu, écrit une lettre ouverte au ministre de la justice Koen Geens (CD&V) parce que beaucoup de personnes parlent de l’exécution des peines mais les détenus et les ex-détenus sont les seuls qui, en l’occurrence, ne sont pas entendus. Il met 4 propositions sur la table pour prévenir la récidive.
Marc, ex-détenu Marc est un pseudonyme. La rédaction connait son vrai nom. di 31 mai 08h10

Monsieur le ministre Geens,
Une fois de plus, il y a un débat concernant l’exécution des peines. Cette fois, spécifiquement, en ce qui concerne les congés pénitentiaires et les permissions de sorties. Et même, s’il y a une tendance à la prudence à l’avantage du système actuel, la force sous-jacente reste au désavantage des principaux intéressés, les détenus, leur famille et leur entourage.
En tant qu’ex-détenu, je souhaite soutenir ce groupe de personnes sans voix : qui, il est vrai, ont commis une ou plusieurs infractions et qui ont, à juste titre, été condamnées pour cela. Pourtant, la plupart des détenus veulent être libéré dans de bonnes conditions et, donc, aussi, rester libre et ne plus commettre d’infraction. Seule une minorité de détenus radicalisés menacent de gâcher cette chance pour l’ensemble du groupe. C’est impossible ! De cette façon, tu fabriques des bombes à retardement et la récidive s’aggrave.
Ce que les détenus souhaitent, est une chance d’un retour réussi dans la société. Cette réintégration commence en fait dès le premier jour de prison. Comment est-on arrêté ? Comment se déroule l’accompagnement ? Y a-t-il une oreille écoutante pour les problèmes dont chaque détenu souffre ? A-t-on en vue la fin de peine et le retour dans la société ? Comment l’indispensable contact avec la famille peut-il être maintenu et amélioré ? Il y a tellement d’aspects du parcours du détenu en prison qui doivent être pris en charge par un accompagnateur spécialisé pour rendre possible une réintégration couronnée de succès.
Cependant, il y a déjà quelques initiatives prometteuses dans le paysage pénitentiaire. Ainsi l’ASBL « De Huizen » promeut une détention significative dans de petites maisons de détention, mais aussi l’ASBL « Touché » défend les intérêts des détenus depuis des années.
Tout bien considéré, facile à dire et à écrire. Mais qu’est ce qui peut et doit être fait du problème aigu de récidive et du manque d’intégration réussie dans la société.
Comme ex-détenu, je peux seulement évoquer ce qui m’a posé problème. Premièrement, l’insécurité concernant la libération. Le système néerlandais
d’une date de fin de peine fixe pour bon comportement, ne crée pas seulement de la clarté mais aussi un objectif à atteindre pour préparer la réintégration. Beaucoup d’incertitudes et de frustrations sont dissipées par cela.
Deuxièmement, il y a l’accompagnement indispensable par le SPS, les psychiatres, les psychologues et les travailleurs sociaux. Aucun détenu n’arrive en prison sans problèmes personnels. Détecter ces problèmes, les nommer et en parler est la tâche principale d’un SPS fonctionnant bien.
A côté de cela, est aussi examiné dans quelle mesure une réintégration peut se faire avec succès, si les congés pénitentiaires et les permissions de sortie sont utiles, etc. Les moyens indispensables pour le SPS sont un impératif qui n’est pas seulement humanitaire, ils préviennent aussi la récidive et, donc, constituent, à terme, une énorme économie relative à la souffrance humaine et au financement du système pénitentiaire.
Troisièmement, il doit être investit dans l’accompagnement du détenu pendant sa détention et cela dans la formation, l’obtention d’un diplôme, pour être plus crédible/solide sur le futur marché du travail et dans la société. Cela prévient aussi la récidive.
Quatrièmement, je plaide pour un accompagnement après la détention. Si possible à domicile dans la sphère privée, si nécessaire dans un centre (psychiatrique).
J’entends pourtant déjà les commentaires de la plupart des gens. N’oublie pas les victimes ! Et bien, j’ai découvert qu’un des plus grands souhaits des victimes est, que l’auteur ne récidive pas. Toutes les mesures ci-dessus visent à prévenir la récidive par une réintégration réussie dans la société via 3 clés : un domicile, un travail et la famille. Chaque victime approuvera que c’est un point important dans l’acceptation/l’intégration de l’infraction subie.
Monsieur le ministre Geens, je voudrais vous inviter à entamer des travaux sur ces points. Nous, détenus, ex-détenus et la population pénitentiaire entière aimerions réfléchir et travailler avec vous…
Marx, ex-détenu.

 

DONDERDAG 31 MEI 2018 – OPINIES

Tout le monde se radicalise en prison

La prison est un environnement préjudiciable/nuisible. Des entretiens avec les détenus, Pieter De Witte (aumônerie catholique néerlandophone) a appris qu’ils sont frustrés et qu’ils sont en colère vis-à-vis de la société.

Après les dramatiques événements de Liège, beaucoup de personnes se demandent si les congés pénitentiaires et les permissions de sortie ne doivent pas être supprimées ou, quand même, au moins fortement restreintes. Heureusement, Kristel Beyens professeur d’université avertissait dans ce journal du danger de proposer un embrassement (de mettre le feu au poudre). Ce qui va créer au nom de la sécurité finalement plus d’insécurité.
Mais la question de savoir si nous devons, à l’occasion de ces faits, garder les gens plus longtemps en prison, soulève aussi une question plus fondamentale : Quel est le sens de la prison ? Nous utilisons cette institution comme société pour punir les personnes et assez étrangement nous croyons qu’un séjour dans cette institution rend les gens meilleurs.
Churchill
En 1910, dans la chambre des communes britanniques, en présence du ministre des affaires intérieures de l’époque Winston Churchill, a été débattu au sujet de la prison. Les représentants du peuple présents discutaient au plus haut niveau et étaient pour la plupart très critiques vis-à-vis de la pratique dominante de l’emprisonnement. Ainsi, il était clair pour tous les participants à la conversation que beaucoup d’ex-détenus retombaient dans la criminalité. Un problème de tous temps.

Ensuite Churchill a pris la parole. Il y avait, selon lui, seulement deux explications possibles pour les chiffres élevés de récidive. Ou bien, nous devions supposer qu’il s’agissait d’incorrigibles criminels, qui étaient nés pour la criminalité. Ou bien, le séjour en prison était si dommageable qu’après les personnes n’étaient plus en état de participer d’une manière normale à la société.
Quoique les deux explications ne s’excluaient pas, des décennies de recherche sur les effets de la prison sur les détenus soutiennent surtout la deuxième suggestion de Churchill. Tout prouve que la prison est un environnement dommageable, qui ‘marque’ les personnes jusqu’à longtemps après leur détention, et influence négativement leur vie et celle de leur entourage.
Ce n’est pas comme si les criminologues avaient découvert les effets destructeurs du séjour en prison au cours du 20ème siècle, et que nous devrions patiemment attendre jusqu’à ce que ces connaissances s’infiltrent au niveau politique. Les politiciens du début du 20ème siècle en étaient apparemment déjà conscients.
Tragique de constater que lorsqu’il y a un problème de sécurité, beaucoup de politiciens peuvent seulement aboyer comme le chien de Pavlov que nous devons enfermer les gens plus longtemps (dans l’environnement dommageable dont nous savons qu’il va créer finalement encore plus de problèmes de sécurité)
Hypocrisie
Cette conscience/cette connaissance doit nous faire examiner la question de la radicalisation de l’auteur de Liège avec un regard nouveau. La question de savoir si cet homme s’est radicalisé en prison ou pas et le problème des prisons comme ‘foyer’ de radicalisation (musulmane) sont surtout intéressant comme partie d’une problématique plus large. Dans un certain sens, presque chacun se radicalise en prison.
Un grand nombre d’entretiens que j’ai avec les détenus, m’apprend qu’une des conséquences dommageables/qu’un des dégâts d’un séjour en prison est que les personnes sont souvent particulièrement frustrées et sont en colère vis-à-vis de la société. C’est précisément le noyau de la problématique de la radicalisation, l’indignation morale au sujet de l’hypocrisie d’un système qui se prétend juste, mais finalement engendre l’injustice.
Dans ce cas, par exemple, le système pénitentiaire dit : « Nous te libérerons si tu es devenu un homme meilleur » mais il limite ensuite chaque suivi et accompagnement au strict minimum.
Alternative au classique châtiment corporel
Je ne prétends pas que les événements de Liège sont la faute de la prison ou de son système. Je ne prétends pas que les prisons sont dans tous les cas la mauvaise réponse à la criminalité. Je dis/J’affirme que nous devons cesser de répondre à chaque nouveau problème de sécurité que « nous devons alors les garder encore plus longtemps en prison ». Cela aggrave seulement la situation.
Je veux surtout encourager les personnes à penser de façon créative. Apparemment, nous n’avons pas comme société l’imagination de concevoir une autre alternative au classique châtiment corporel que de condamner les personnes à un temps absurde/inutile entre 4 murs.

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