Des psaumes en prison ?

On distribue beaucoup de bibles en prison. Et c’est tant mieux. Force est de reconnaître toutefois que la masse des textes s’avère souvent excessive eu égard à l’appétit de lecture des personnes qui nous les demandent.

Grosso modo, ce que cherchent nos interlocuteurs, ce sont les quatre évangiles et, dixit Fernand (mais il est loin d’être le seul à le prétendre), les psaumes (éventuellement des textes de sagesse). Or, il existe peu de modèles lisibles et bon marché de Nouveau Testament + Psaumes… Du coup, on s’est dit qu’on pourrait nous-mêmes palier ce manque en proposant une sélection de psaumes – en particulier ceux qui semblent le plus adaptés à la situation des détenus.

On s’est même dit, en Bureau, qu’on pourrait faire de cette activité un projet pastoral d’année pour l’aumônerie. Comment cela ? Et bien, pratiquement, on se répartirait entre les aumôneries la quarantaine de psaumes retenus, et on les rendrait accessibles en leur appliquant des techniques (éprouvées) qu’on aura l’occasion de mettre en œuvre tout à l’heure grâce à des ateliers. On profiterait des temps fort de l’Avent et du Carême pour avancer dans notre travail. Concrètement, Hervé reviendrait régulièrement à la charge pour voir si on avance dans ses lectures, si l’on a besoin d’aide ou pas, de conseils, d’encouragements, que sais-je – et, quant à moi, je collecterais les psaumes retravaillés et m’arrangerais, avec le bureau, pour les éditer.

 

Pourquoi les psaumes ?

On pourrait répondre laconiquement : et pourquoi pas ? ou encore : pour répondre aussi justement que possible à la requête de détenus tels que Fernand et d’autres l’ont entendue, etc.
Vous le savez aussi bien que moi : les psaumes sont des textes millénaires, qu’ont priés des millions d’humains souvent plongés, comme tant de détenus, dans le marasme, le découragement, la haine, l’isolement insupportable, les larmes, le drame, la méfiance, que sais-je encore ?…

Ce sont des prières dont l’effet se redouble du fait qu’ils sont chantés (chanter, c’est prier deux fois) : c’est même pour cela qu’on les a appelés « psaumes » : « mizmar », en hébreu signifie en effet : chant plus instrument à cordes, et a donné « psalmos » en grec, qui veut dire : chant accompagné d’un instrument à cordes pincées (une espèce de harpe, en fait).

Depuis des siècles, ces textes chantés touchent le cœur des femmes et des hommes qui les écoutent ou les interprètent tant ils expriment bien les sentiments que tout humain peut éprouver au quotidien : de la joie à la peine, de la compassion à la haine, de la confiance au doute, de l’action de grâce à la malédiction… Partagés par les juifs comme par les chrétiens, ces prières invitent les croyants au dialogue plutôt qu’au duel et visent la paix plutôt que la guerre – comme nous y invite, je pense, notre mission de fraternité.

Toute la bible, suggèrent certains exégètes, aboutit aux psaumes, comme par capillarité, et y devient prière ! Rien de formaliste ni d’abstrait, dans ces textes, mais un bel hommage à l’expérience – en particulier celle d’un Dieu qui peut tout entendre, d’un Dieu-compagnon qui prend sur lui le malheur pour en faire quelque chose : une création plutôt qu’une entreprise de démolition.

 

 

Partir de l’existence

La prière des psaumes part de l’existence dans ses diverses situations : c’est ce qui en fait l’attrait et la richesse. Comment ne pas s’y reconnaître ici ou là ? Comment ne pas se sentir concerné par les cris du psalmistes si proches de la tristesse, de la colère, de l’injustice, de la jubilation, de la rage, de la honte que nous voulons crier nous-même, parfois ?…
Le leitmotiv de la prière des psaumes, c’est « batah » càd : se fier. C’est tellement vrai qu’il n’est pas rare qu’on y remercie avant même d’avoir obtenu quoi que ce soit. Positivement et négativement, c’est la louange qui constitue le psaume, qui en est comme la raison d’être. Puisse-t-elle, cette louange, cette confiance, être notre raison d’être à chacun-e d’entre nous durant l’année (professionnelle) qui vient. « L’arbre planté au bord de l’eau,/ peut-il rester sec et stérile ? demande le ps.1 – Plante ta vie auprès de Dieu/ Ton travail ne sera pas vain ! »

 

Jean-François GREGOIRE

septembre 2018

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